Un des arguments des défenseurs de la pornographie repose en effet sur les biais des critiques des personnes qui souhaitent une remise en cause de sa consommation. Ainsi, la journaliste Tracy Clark-Flory affirme par exemple : « Ceux qui critiquent la pornographie sont incapables d’adopter une vision saine de la sexualité et lorsqu’ils en proposent une, c’est tellement conservateur et façonné par la religion que c’est effrayant. La plupart des leaders du mouvement de l’addiction au sexe sont des supposés addicts au sexe sevrés et religieux. C’est ok pour eux de défendre un système moral mais ce n’est pas médical1.»
Cet argument est fallacieux sur le fond comme sur la forme. Tout d’abord, ce n’est pas parce que des gens religieux s’opposent à une pratique sous prétexte qu’elle est une offense à leur système moral qu’ils ont tort : des Quakers au XVIIIème siècle se posent en précurseurs dans la lutte contre l’esclavage au nom de leur système moral. S’il est vrai que les organisations religieuses se sont engagées très tôt dans le combat contre la pornographie, il semble réducteur de limiter ce mouvement à des groupes religieux conservateurs, à la fois dans ses origines et dans sa réalité actuelle.
Sur le fond, l’opposition à la pornographie rassemble bien au-delà des religieux et des croyants. En voici une liste non exhaustive :- des journaux grand public comme GQ questionnent la compatibilité entre consommation de pornographie et développement de relations amoureuses. GQ dénonce particulièrement le silence ambiant autour de cette question2.
- des communautés en ligne comme le forum reddit « NoFap » qui accompagne ceux qui souhaitent arrêter la pornographie et la masturbation pour leur bien-être et leur santé (pas pour des raisons religieuses)3.
- de nombreux scientifiques (neuroscientifiques, sexologues, addictologues, psychologues, sociologues…). Le nombre d’études sur la pornographie explose depuis la fin des années 2000. Elles mettent en lumière son potentiel addictif, son impact sur les relations interpersonnelles et les phénomènes physiologiques de la sexualité4.
En résumé, beaucoup de ceux qui s’opposent aujourd’hui à la pornographie défendent avant tout le bien-être, la santé sexuelle et l’épanouissement de la vie amoureuse. Ces études sont appuyées par les retours d’expérience de certains consommateurs qui partagent aujourd’hui comment la pornographie les a faits souffrir, a pu altérer leur vie sexuelle et/ou leurs relations. Ils expliquent pourquoi et comment ils ont décidé d’arrêter. Par ailleurs, les phénomènes d’addiction à la pornographie (ou du moins de consommation compulsive) observables chez certains sujets suscitent une réelle inquiétude chez les spécialistes. Si tous ne rejettent pas en bloc la consommation de pornographie, nombreux sont les scientifiques qui souhaitent aujourd’hui prévenir de ses aspects/effets pathologiques.
[1] Tracy Clark-Flory, << Don’t believe the Sex Addiction Hype >>, Salon, 29/11/2011
[2] Maïa Mazaurette, << Pornographie, quand l’imaginaire plombe le réel >>, GQ, 31/08/2017
[3] Forum Reddit NoFap, << Get a new grip on life — the official Reddit-forum >>
[4] James Gallagher, << Scientists probe ‘sex addict’ brains >>, BBC News, 12/07/2014